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TorahAnytimes Newsletter Edition Speciale Tich'a B'av

Parshat Edition Speciale Tich'a B'av

Compiled and Edited by Elan Perchik

Challah

"The TorahAnyTimes" Newsletter en français

Ticha B'av                                                                                                     
9 Av 5779 | 10 Aout 2019

Compilé et édité par Elan Perchik
Traduit par Sarah Saghroun

Rav Paysach Krohn
Le tsitsith de Leiby

Leiby Kletzky était âgé de huit ans quand il perdit la vie dans des circonstances tragiques en juillet 2011. Cela faisait quelques jours qu'on n'avait plus de ses nouvelles, et lorsqu'il fut retrouvé sans vie, tout le peuple juif, hommes, femmes et enfants, se retrouva plongé dans un état de choc.

Je ne savais pas quoi faire. Je ne connaissais pas personnellement les Kletzky, et je me demandais s'il serait de bon ton que je fasse une visite de consolation à la famille pendant les chiv'a. Mais après mûre réflexion, je me rendis compte que c'était tout le peuple d'Israël dans son intégralité qui partageait leur perte, et je décidai donc d'y aller.

En arrivant devant leur domicile, j'ai été stupéfait de constater la foule qui faisait la queue dehors. Il y avait même des gardes de sécurité pour permettre aux visiteurs de rentrer et sortir en toute sécurité et j'ai dû attendre un petit moment avant de rentrer. Je me dirigeai vers le papa de Leiby, Na'hman Kletzky, et je lui dis doucement : "Que Hachem vous envoie la consolation parmi les endeuillés de Tsion et de Yérouchalayim."

J'allais ensuite partir, mais Na'hman me fixa du regard et me dit : "Je sais qui vous êtes. Leiby avait l'habitude de visionner vos cours de Tich'a Beav. Asseyez-vous s'il vous plait. J'aimerais vous parler." C'était la dernière chose à laquelle je me serais attendue, mais bien entendu, je me suis tout de suite assis.

Il me parla quelques minutes, et il me demanda ensuite : "Pouvez-vous parler quelques minutes à mon épouse et à mes filles ? Elles ont besoin de 'hizouk (mots de soutien et d'encouragement). Leiby était le seul garçon de la famille." Suivant Na'hman, je m'adressai à son épouse et à ses filles, puis je présentai mes condoléances, et je sortis.

Mais mon contact avec les Kletzky ne s'arrêta pas là. Na'hman et moi avons développé une relation très proche. Il m'a un jour raconté une histoire qui s'était passée chez eux pendant les chiv'a :

Une dame était allée rendre une visite de condoléances à sa femme, et elle lui avait dit : "Mme Kletzky, je voudrais vous remercier." Comme Mme Kletzky n'avait jamais rencontré cette dame auparavant, elle ne comprenait pas où elle voulait en venir. La dame commença à raconter : "J'ai un fils de neuf ans, et il y a quelques semaines, il a commencé à nous causer du souci. Il était en rébellion, et il refusait notamment de porter son tsitsith. Nous avons tout essayé pour le convaincre de le remettre. Nous avons promis des récompenses, nous avons offert des cadeaux, nous avons menacé de punitions. Mais il n'y avait rien à faire. Il refusait de mettre son tsitsith à l'école, et il ne le mettait pas plus au centre-aéré.

Mais un matin, à ma grande joie, il est sorti de sa chambre avec son tsitsith sur lui ! Il m'a expliqué : "Je voudrais que par le mérite de ma mitsva de tsitsith, Leiby soit retrouvé."

Mon fils continua à porter le tsitsith les deux jours suivants. Quand j'ai entendu que Leiby avait été retrouvé sans vie, j'ai été complètement abattue. J'étais en plus très inquiète de la réaction qu'aurait mon fils. Peut-être que de colère et de frustration, il allait déchirer son tsitsith… J'attendais avec anxiété de voir ce qui allait se passer.

Et mon fils est sorti de sa chambre ce matin-là… avec le tsitsith sur lui. Depuis, Baroukh Hachem, il le porte tous les jours.

Voilà pourquoi je vous remercie Mme Kletzky. C'est par le mérite de votre petit Leiby que mon fils porte son tsitsith tous les jours."

L'histoire ne s'arrête pas là. Na'hman continua son récit :

"Trois semaines après cette rencontre, j'ai contacté cette maman, et je lui ai demandé de venir chez nous avec son fils. Lorsqu'ils sont venus, j'ai pris le garçon, et je l'ai enlacé. Je lui ai dit : 'Je t'embrasse de la part de Leiby.' Nous nous sommes ensuite assis à table, et je lui ai dit : 'Nous sommes tellement fiers de toi ! Nous avons été tellement impressionnés de savoir que tu as remis tes tsitsith pour que par ce mérite, Leiby soit retrouvé !'"

Puis Na'hman a pris un tsitsith de Leiby, et il l'a tendu au garçon. "Voilà, c'est pour toi. Quand tu mettras ce tsitsith, ce sera un mérite pour Leiby."

Et jusqu'à aujourd'hui, ce garçon porte encore le tsitsith de Leiby, et avant de le mettre, il dit "lézekher nichmath Leiby Kletzky" (à la mémoire de Leiby Kletzky).

Rav Benzion Klatzko
Réparer les cœurs brisés

Nos sages ont institué la brakhah de Boneh Yerouchalayim dans nos prières quotidiennes ; dans cette brakhah, nous exprimons notre désir fervent d'assister à la reconstruction de Jérusalem et la restauration de la dynastie du roi David. A un autre endroit de la prière, un indice nous est donné quant à ce que nous devons faire pour activer la venue de cette époque magnifique :

"Hachem rebâtira la ville de Yérouchalayim, Il y rassemblera les débris dispersés d'Israël. C'est Lui qui guérit les cœurs brisés et qui panse leurs douloureuses blessures." (Téhilim 147, 2-3)

En même temps que nous exprimons notre profond désir de revoir Jérusalem dans sa splendeur jadis perdue, nous rappelons que Hachem s'occupe avec beaucoup amour de Son monde : Il réconforte ceux qui sont brisés moralement et qui souffrent. Essayons à présent de comprendre le rapport entre la restauration de Jérusalem et le réconfort apporté à ceux qui souffrent.

On trouvera la réponse à notre interrogation dans la question même : lorsqu'on agit à l'image de Hachem et qu'on performe des actes de bonté à l'égard de ceux qui souffrent, c'est là que nous permettons la reconstruction prochaine de Jérusalem. Lorsque l'on aide des personnes détruites à reconstruire leur vie, nous posons les pierres du Beth Hamikdach que nous espérons voir reconstruit très prochainement. D. veut que nous prenions soin des personnes qui ont le cœur brisé, qui ont besoin de réconfort, d'encouragement. Nous avons le devoir d'être là pour celui qui vient de passer par un divorce difficile, ou pour le papa qui vient de perdre son travail, ou encore pour celui dont le proche parent est gravement malade et qui a perdu la foi en D. Reconstruire Jérusalem, c'est mettre du baume au cœur des personnes abattues et de leurs familles, et en leur proposant sincèrement notre soutien.

Cependant, notre époque connait tant de souffrances, et tellement de personnes passent par des moments difficiles ! Comment pouvons-nous envisager de soulager les blessures de tous ? Comment pouvons-nous envisager d'être à même de reconstruire les vies brisées de tant de nos frères ? Le passouk suivant du Téhilim propose une réponse :

"Il compte le nombre des étoiles, et Il appelle chacune par son nom" (ibid. 147, 4)

La galaxie compte des myriades d'étoiles. Pourtant, D. compte chacune d'entre elles, une à une, et Il les appelle par leurs noms propres.  Bien qu'il existe une infinité d'étoiles, chacune compte aux Yeux du Créateur. Nous aurions pu penser qu'une étoile de plus ou de moins, quelle différence… Mais c'est faux. Chaque étoile a sa fonction propre et son but unique.

Il en est de même pour le peuple juif. Chaque membre du klal Israël compte et a un rôle unique et spécial. Un juif de plus, c'est tout un monde ! Et un juif de moins, c'est un monde entier qui est détruit…Si on réfléchit avec cette optique, il nous devient possible de panser les blessures et de guérir les cicatrices de toute personne en difficulté. Si on arrive à réaliser le fait que chaque individu est tout un monde à lui seul, alors on arrive à ressentir la souffrance de chacun, et même à la soulager.

Un soir, ma femme avait emmené ma fille de huit ans et son amie à un concert. Comme l'amie en question avait perdu sa maman, ma femme rappela gentiment à notre fille de se comporter avec sensibilité à son égard.

Le concert terminé, ma femme raccompagna la petite chez elle, et lorsque cette dernière sortit de la voiture, notre fille soupira de soulagement, comme si un fardeau bien lourd venait de lui être retiré de ses épaules.

Ma femme lui demanda : "Tout va bien, ma chérie ? Il se passe quelque chose ?" Ma fille répondit : "Non, rien. Mais c'était un peu difficile pour moi. Toute la soirée, j'ai fait attention à ne pas t'appeler à voix haute 'maman' pour ne pas que mon amie m'entende et se rappelle qu'elle-même n'a plus de maman. Ce n'était pas facile, mais je ne voulais pas lui faire de peine."

Pour pouvoir aider autrui à reconstruire sa vie sur des bases plus solides et plus gaies, il faut au préalable se rendre compte de sa douleur. Lorsqu'on s'intéresse réellement à l'autre, c'est comme si on lui donnait un flambeau de chaleur et d'espoir. C'est ainsi qu'on arrive à l'aider à se relever. Ainsi, au lieu de s'éteindre à petit feu, il arrivera à reprendre des forces, et il se remettra à briller, avec plus de puissance encore qu'auparavant. Et de cette manière, il pourra poursuivre la mission particulière qui lui a été attribuée en tant qu'enfant de Hachem.

Rabbi Yisso'her Frand
Entendre les pleurs

Dès Chabbath 'Hazone (le Chabbath qui précède Tich'a Beav), on ressent déjà à la synagogue l'atmosphère de deuil et de chagrin, car la haftarah de ce jour-là, dans le livre de Yecha'yah, prononce des mots très durs à l'égard du peuple d'Israël.

Yecha'yah énumère les fautes graves commises par le peuple juif, et il clôt ses accusations avec ces mots terribles : "Quand vous levez les mains dans vos prières, Je [Hachem] détourne de vous Mes regards ; dussiez-vous accumuler vos prières, J'y resterais sourd…" (Isaïe 1, 15). Hachem ne considérera pas nos prières ! Il ne peut être de pire punition pour nous. En effet, parfois, lorsqu'un juif passe par une phase difficile, seule la prière à D. peut le réconforter. Mais si même cette option nous est enlevée, comment allons-nous faire ? Qu'allons-nous devenir ?

Yecha'yah change ensuite de registre et nous fait savoir qu'en réalité, tout espoir n'est pas perdu. Nous pouvons réparer nos erreurs et retrouver ce qui faisait notre éclat. Nous avons la possibilité d'ouvrir à nouveau les portes de la prière pour que D. puisse nous entendre comme auparavant. Yecha'yah énonce dix facettes de la techouvah : "Lavez-vous, purifiez-vous, écartez l'iniquité de vos actes, cessez de faire le mal, apprenez à bien agir, recherchez la justice, rendez le bonheur à l'opprimé, faites droit à l'orphelin, défendez la cause de la veuve" (ibid, 16-17). Hachem nous appelle : "Venez, réconcilions-nous !" (ibid. 18). Si nous suivons ces étapes de techouvah, Yecha'yah assure : Même si "vos fautes sont comme le cramoisi, Hachem peut les rendre blanches comme neige". Nous pouvons espérer nous amender et réparer nos torts.

De ces dix étapes de téchouvah, Yecha'yah commence par un appel d'ordre général, en nous demandant de nous "laver", et il poursuit la liste en crescendo jusqu'à la dixième, ultime étape. Rachi fait remarquer que ces dix étapes de téchouvah correspondent en réalité aux 'asséret yemei techouvah, les dix jours de pénitence, entre Roch Hachana et Yom Kippour. Il s'agit d'actions que nous devons entreprendre et mettre en pratique.

Ainsi, l'étape suprême pour achever notre téchouvah serait : "Rivou almanah ! Défendez la cause de la veuve !" C'est-à-dire que lorsqu'on prend soin de cette pauvre femme sans défense que bien souvent on ne voit pas et on n'entend pas, il s'agit là de l'acte de bonté le plus puissant.

Cela semble pourtant étrange. Pourquoi cet acte, de prendre soin des veuves, se situe-t-il en haut de la liste ? Qu'y a-t-il de si spécial dans rivou almanah pour que Yecha'yah le place à un tel niveau ?

Imaginez le scénario suivant : Vous êtes assis chez vous. On toque à la porte, et vous allez ouvrir. Vous vous retrouvez devant une veuve qui vous raconte toutes les épreuves par lesquelles elle est en train de passer : "Je viens juste de perdre mon mari, j'ai plusieurs enfants à nourrir, le gouvernement menace de me sortir de chez moi, et je suis absolument seule. Pouvez-vous me donner un peu d'argent ?" Il suffirait de lui donner un peu d'argent pour appartenir à la catégorie suprême dont avait parlé Yecha'yah ?! C'est impossible ! N'importe quel individu doté d'un peu de cœur proposerait son aide ! Qu'entendait alors Yecha'yah ?

Rav Zelig Epstein zatsal était Roch Yechivah de Cha'ar Hatorah à Queens, New York. C'était une grande personnalité, et de par les sages conseils qu'il savait dispenser à ceux qui venaient le voir, on le surnommait "le Roch Yechivah du Roch Yechivah". Même les plus grands rabbanim venaient le consulter. Il avait une grande expérience dans bien des domaines, et cela lui permettait de trouver des solutions même à des problèmes d'importance majeure. Très attentionné, il apportait son soutien à qui en avait besoin.

C'est ainsi que Rav Zelig s'est un jour retrouvé face précisément à la situation que nous avions décrite. Un certain couple avait survécu à la shoah. Après la guerre, ils avaient décidé de s'installer en Amérique et de reconstruire leur vie. Ils ont eu trois enfants. Mais les séquelles de la guerre avaient laissé des marques trop profondes sur l'équilibre mental du mari, et il se suicida, laissant sa femme seule.

Dans cet état de fait, et compte tenu de sa fragilité émotionnelle, cette dernière était en grand besoin de soutien. Ce fut Rav Zelig qui joua ce rôle. C'est auprès de lui qu'elle venait s'épancher lorsqu'elle en ressentait le besoin.

Malheureusement, un de ses enfants tomba gravement malade par la suite, et Rav Zelig s'impliqua tout de suite, ne ménageant pas les efforts pour s'assurer que l'enfant était bien pris en charge. De fait, sa situation médicale semblait s'améliorer.

Mais la veille de Yom Kippour, son état se dégrada subitement, et il quitta ce monde. Le chagrin de la veuve était indescriptible. L'enterrement fut remis à après Yom Kippour, mais en attendant, la situation de la veuve était on ne peut plus inquiétante : elle était passée par les atrocités de la shoah, elle avait vu son mari se suicider, et elle venait de voir son enfant succomber à une grave maladie. Rav Zelig était inquiet au plus haut point à son sujet.

Il allait en direction de la synagogue pour la prière de Kol Nidré et il était plongé dans ses réflexions : ce dernier malheur ne serait-il pas la goutte d'eau qui ferait déborder le vase ? Cette femme aurait-elle les forces de tenir ? Ne risquait-elle pas de vouloir agir comme son mari ?

Il décida donc, en ce jour saint de Yom Kippour, de se rendre chez cette veuve au lieu de prier à la synagogue. Il espérait que si elle recevait le soutien émotionnel dont elle avait tant besoin, elle réussirait à surmonter l'épreuve. Il commença à marcher en direction de sa maison, mais il se rendit compte qu'il lui faudrait une bonne heure de marche pour arriver chez elle. Une heure était un laps de temps bien long, et probablement trop long dans ces circonstances.

Rav Zelig était à proximité de la yéchivah Torah Vodaath, où son rav, Rav Ya'akov Kaminetzky priait. Il entra et se dirigea vers le Rav Kaminetzky pour lui demander son avis. Le rav était en train de réciter les bénédictions précédant la lecture du chema' [pendant lesquelles il est interdit de s'interrompre], mais cette question ne pouvait souffrir aucun délai. Rav Zelig demanda : "Est-ce que j'ai le droit de prendre un bus pour arriver plus rapidement chez cette veuve ?" Rav Ya'akov répondit d'un geste : il indiqua les quelques pièces de monnaie posées sur la table, l'argent qu'il avait réservé pour son propre trajet de retour de la synagogue le lendemain soir, après le jeûne. Rav Zelig put ainsi utiliser cet argent pour prendre immédiatement le bus.

Rav Zelig Epstein, un des rabbanim les plus importants de son époque, prit donc le bus le jour de Yom Kippour, pour qu'une veuve éplorée ne se retrouve pas seule chez elle, sans appui ni soutien. Il renonça aux prières à la synagogue pour pouvoir la réconforter.

Lorsque Yecha'yah disait "rivou almanah – défendez la cause de la veuve", c'était exactement ce cas de figure auquel il faisait allusion. Il ne s'agit pas simplement de répondre présent à son appel ; il faut dépasser ce stade et apporter son aide de manière dynamique. Il faut être capable d'entendre même les appels au secours muets, et réagir au plus vite.

Et si vous pensiez que le mot almanah ne fait référence qu'aux veuves, voyez Rachi (Chémoth 22, 21) : almanah est un terme générique qui fait référence à toute personne en situation difficile. Almanah, c'est la personne qui n'a plus de travail depuis six mois, c'est celui qui souffre d'une maladie débilitante, ce sont aussi ceux qui élèvent des enfants handicapés, ou encore ceux qui n'arrivent pas à avoir d'enfants. Lorsqu'on aide ces personnes, on atteint le point culminant des dix étapes de la techouvah.

"Rivou almanah", c'est étendre notre cercle, et y placer à une place prioritaire les besoins d'autrui. Voilà ce à quoi nous devrions penser le jour de Tich'a Beav ; les problèmes de nos frères juifs sont aussi nos problèmes, et les larmes qui coulent de leurs visages doivent aussi couler de nos visages. Pour pouvoir faire venir le Machia'h dans toute sa splendeur, c'est par là que nous devons commencer. Pour faire appel à D. Là-Haut, il faut commencer par se tourner vers autrui. Ce n'est pas plus compliqué que cela…

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